Céline vs Mango : la fast-fashion, le faux ami du luxe ?
Qui n'a jamais été séduit(e) par une pièce tendance de luxe à un prix défiant toute concurrence ? Derrière ces offres alléchantes se cache souvent un phénomène bien connu : la copie. Mais où s'arrête l'inspiration et où commence la contrefaçon ? Le procès ayant opposé la maison Céline au géant de la fast-fashion Mango a mis en lumière cette question épineuse. Dans l'univers de la mode où les tendances se succèdent à une vitesse vertigineuse, la tentation de copier les créations des grandes marques est forte. Cependant, comme l'a démontré cette affaire, l'imitation a ses limites et peut avoir de lourdes conséquences juridiques et financières. En effet, la Cour d'appel de Paris a condamné Mango pour parasitisme, reconnaissant ainsi que la marque espagnole s'était indûment appropriée l'identité visuelle et le savoir-faire de la maison française.
Quels étaient les faits de l'affaire ?
Céline, maison de haute couture appartenant au groupe LVMH, a porté plainte contre Mango, reprochant à cette dernière d'avoir imité à plusieurs reprises ses modèles phares, notamment des lunettes, des bijoux, des sacs et des chaussures. Ces copies, selon Céline, étaient si proches des originaux qu'elles étaient susceptibles de tromper le consommateur et de porter atteinte à la réputation de la marque.
ll est ici possible de citer concrètement les exemples suivants : le sac "Cabas Phantom" de Céline présentait une forme et des détails très proches du modèle "Shopper" de Mango. De même, les lunettes de soleil "Oval" de Céline avaient une monture quasi identique à celle des lunettes "Round" de Mango. Ces copies, commercialisées à un prix bien inférieur, étaient susceptibles de tromper le consommateur, qui pouvait croire qu'il s'agissait de produits authentiques Céline.
Quels étaient les arguments des parties ?
Céline a mis en avant le caractère unique et distinctif de ses produits, fruit d'un travail créatif et d'investissements considérables. La maison française a souligné la similitude frappante entre ses modèles et ceux de Mango, ainsi que la rapidité avec laquelle la marque espagnole avait commercialisé ses produits, suggérant une volonté manifeste de profiter de la notoriété de Céline.
Mango a tenté de minimiser les similitudes entre les deux gammes, arguant que les éléments repris étaient des éléments de style courants dans l'industrie de la mode. La marque espagnole a également contesté l'existence d'une valeur économique individualisée pour chacun des produits Céline, soutenant que ces produits n'étaient pas suffisamment originaux pour justifier une telle protection.
Sur quoi se sont basés les juges pour trancher en faveur de Céline ?
Plusieurs éléments ont conduit la Cour à retenir la responsabilité de Mango :
La répétition des faits : Ce n'est pas un simple cas isolé, mais une succession de lancements de produits Mango s'inspirant très étroitement des modèles Céline.
La rapidité de commercialisation : Les produits Mango étaient souvent commercialisés peu après la présentation des modèles Céline, lors des défilés ou dans la presse spécialisée.
L'impact sur l'image de marque : Cette pratique répétée a été considérée comme une atteinte à l'image de marque de Céline, fondée sur le luxe et l'exclusivité.
Que retenir de cette décision ?
Cette affaire met en lumière les tensions entre deux modèles économiques opposés : le luxe, qui mise sur l'originalité et la qualité, et la fast-fashion, qui privilégie la rapidité et la rentabilité. La décision de la Cour vient rappeler que même dans un monde où les tendances évoluent à la vitesse de la lumière, la propriété intellectuelle reste sacrée.
Conclusion :
La mode est un art, mais c'est aussi un business. Et dans ce business, la propriété intellectuelle est un atout précieux. La victoire de Céline contre Mango est un signal fort : copier n'est pas créer, et ceux qui s'y risquent s'exposent à de lourdes sanctions. Dans ce cas précis, Mango a été condamnée à verser 2 millions d'euros de dommages et intérêts à Céline. La mode, c'est l'expression d'un univers, d'une identité. Et cette identité, on ne la vole pas.
Source : Cour d'appel de Paris 10 Novembre 2023, n° 21/19126
Line JOAS.