Chanel vs Jonak : Quand la mode s'inspire ... ou copie ?

27/10/2024


Qui peut résister au charme irrésistible d'une paire d'it-shoes ? Ces pièces iconiques, véritables objets de convoitise pour toutes les fashionistas, sont souvent l'apanage des plus grandes maisons de couture. Mais lorsque l'inspiration frise la copie, la ligne rouge peut vite être franchie. C'est ce qu'a appris à ses dépens la marque de chaussures Jonak, condamnée pour s'être trop inspirée des célèbres slingbacks de Chanel en proposant des répliques très proches de l'original. Une décision récente de la Cour d'appel de Paris sonne comme un avertissement : dans l'univers de la mode, où l'originalité est reine, l'imitation se paie cash et le parasitisme n'est pas admis. Cette affaire pourrait notamment avoir des répercussions importantes sur les pratiques de nombreuses marques, les incitant à être plus créatives et à mieux protéger leurs créations.

Quels étaient les faits de l'espèce ?

La maison de luxe Chanel accuse la marque Jonak d'avoir reproduit de manière trop fidèle deux de ses modèles emblématiques : la slingback* bicolore (beige/noir) et la sandale avec chaîne en métal. Selon la célèbre maison de haute couture française, ces copies portent atteinte à son image de marque et lui causent un préjudice financier et moral.

Quel est l'enjeu juridique de cette affaire ?

Cette affaire soulève une question cruciale : jusqu'où peut-on s'inspirer d'une création sans tomber dans le parasitisme ? L'enjeu principal de ce contentieux était donc de déterminer si Jonak avait commis un acte de parasitisme en s'inspirant trop étroitement des créations de Chanel.

Pour mémoire, le parasitisme est une pratique déloyale consistant à tirer indûment profit de la renommée d'autrui, sans apporter d'effort de création propre.

Quels éléments ont été retenus par les juges du fond ?

Pour justifier sa décision, la Cour d'appel de Paris s'est appuyée sur plusieurs éléments :

La similitude des modèles : Les juges du fond ont souligné les points communs frappants entre les slingbacks de Chanel et celles de Jonak, tant au niveau du design général que des détails. Les seules différences notables étant :

1/ la couleur du talon : beige chez Chanel et noir chez Jonak ;

2/ la forme de la bride : sur la Chanel la bride est asymétrique et sans fermoir mais avec une partie en élastique ne bordant pas le côté intérieur du pied, alors que sur la slingback Jonak, la bride fait le tour de tout l'arrière du pied et se ferme avec un fermoir argenté.

Le risque de confusion : En reproduisant les codes esthétiques de Chanel, Jonak crée un risque de confusion dans l'esprit du public. A noter que la marque Jonak a elle-même associé sa communication Instagram à l'univers Chanel. Les consommateurs pouvant ainsi croire qu'ils achetaient un produit Chanel, alors qu'il s'agissait d'un très bon dupe**.

L'intention de profiter de la réputation de Chanel : les juges parisiens ont souligné que Jonak avait délibérément cherché à tirer profit de la notoriété de Chanel pour vendre ses propres produits. En d'autres termes, la marque a tenté de profiter gratuitement du travail et de l'image d'une autre.

Quelles sont les conséquences de cette décision ?

Cette décision est une victoire importante pour Chanel, qui voit ainsi reconnue la protection de ses créations. Pour Jonak, les conséquences sont plus amères. La marque devra non seulement cesser la commercialisation des modèles incriminés "DHAPOU et DHAPOP" de la vente, mais également verser des dommages et intérêts à Chanel pour réparer les préjudices subis ( 150 000 € pour préjudice économique et 30 000 € pour préjudice moral).

Quels sont les enjeux pour l'univers de la mode ?

Cette affaire soulève plusieurs questions importantes pour le monde de la mode :

Jusqu'où peut-on s'inspirer ? La frontière entre l'inspiration et la copie est souvent ténue. Cette décision rappelle qu'il est nécessaire de préserver un équilibre entre la liberté de création et la protection des droits de propriété intellectuelle.

Le rôle de la justice : Les tribunaux sont de plus en plus sollicités pour trancher les litiges en matière de mode. Ces décisions contribuent à préciser le cadre juridique applicable et à garantir une concurrence loyale entre les acteurs du secteur.

En conclusion : L'affaire Chanel vs Jonak nous rappelle que la mode, loin d'être un simple jeu de style, est un secteur économique complexe où la propriété intellectuelle joue un rôle crucial. Si cette décision est une victoire pour la protection des créations originales, elle soulève également des questions plus larges sur la notion d'inspiration, la définition de la copie et le rôle des tribunaux dans la régulation de ces pratiques. Au-delà des enjeux juridiques, cette affaire nous invite à réfléchir sur notre propre rapport à la mode et à privilégier les marques qui valorisent l'originalité et le respect des créateurs.

Line JOAS. 

Source : CA Paris, 5, 1, 16 octobre 24, n°22/19513

*chaussure à talon avec une bride arrière

**Le terme dupe vient du mot anglais « duplicate » pour décrire le fait qu'un produit est extrêmement similaire à un autre, voire que les deux sont identiques.


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