Le Conseil constitutionnel fait le ménage et balaie l'incapacité de recevoir des aides à domicile
Vous êtes une personne âgée ou handicapée et vous avez engagé un employé de maison pour vous aider dans vos tâches quotidiennes ? Vous souhaitez gratifier votre aide à domicile et vous vous interrogez sur la possibilité de le faire ? Le Conseil constitutionnel répond à cette question dans une décision importante du 12 mars 2021.
Dans cette affaire les faits étaient les suivants : Une femme est décédée sans laisser d'héritier réservataire. La défunte a rédigé un testament olographe dans lequel elle a consenti deux legs : un legs universel au profit de ses cousins et un legs particulier en faveur de son aide à domicile. Les légataires universels ont assigné l'employée de maison en nullité de son legs sur le fondement de l'article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles (CASF). Pour rappel, ce texte frappe d'une incapacité à recevoir des dons et legs les prestataires de services à la personne qui interviennent à domicile.
Au cours de la procédure, l'employée de maison a formulé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ainsi résumée : l'article L. 116-4 du CASF méconnaît-il l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) consacrant le droit de propriété ?Dans un arrêt du 18 décembre 2020 (n° 20-40.060) la Cour de cassation a jugé que la QPC présentait un caractère sérieux et l'a à cet égard adressée au Conseil constitutionnel. En effet, selon la requérante l'article litigieux privant les aînés, en raison de leur âge, du droit de gratifier ceux qui les aident, constituerait une violation du droit de propriété. Dans sa décision du 12 mars 2020 (n° 2020-888) le Conseil constitutionnel a validé ce raisonnement en abrogeant les dispositions incriminées.
Quelles sont précisément les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel ?
Pour rappel, l'article L. 116-4 du CASF dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 liste trois types d'incapacité de recevoir à titre gratuit :
- Le I du texte prévoit une incapacité de recevoir pour les « personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d'un établissement ou service soumis à autorisation, à déclaration ou à agrément, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité » ;
- Le II du texte en prévoit une seconde relative « au couple ou à l'accueillant familial soumis à un agrément » ;
- Enfin, le II du texte en prévoit une troisième, pour les salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du Code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code, c'est-à-dire les aides à domicile pour les personnes âgées ou handicapées.
Dans cette affaire, il était reproché à l'article L. 116-4 du CASF d'interdire aux personnes âgées de gratifier ceux qui leur apportent des services à la personne à domicile. Ainsi, la QPC portait précisément sur la disposition suivante « ou d'un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l'article L. 7231-1 du Code du travail » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles et sur les mots « ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du Code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code » figurant au second alinéa du même paragraphe.
Les sages de la rue Montpensier ont considéré que ces dispositions étaient contraires à la Constitution.
A noter, que les autres incapacités, non soumises à l'appréciation du Conseil constitutionnel, demeurent applicables mais n'ont pas été formellement validées, ainsi une nouvelle censure pourrait être effectuée dans l'hypothèse d'une nouvelle saisine.
Cette décision est-elle d'application immédiate ?
Pour rappel, l'alinéa 2 de l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose qu' : « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel »
Ainsi, la déclaration d'inconstitutionnalité intervient immédiatement, à la date de publication de la décision des sages de la rue Montpensier. La décision ayant été publiée le 13 mars 2021 celle-ci est donc applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date.
Line Joas.
Source : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2020888QPC.htm