Lindt vs Lidl : Lapin or, choc'down pour le discounter imitateur ?
L'éclat doré d'un lapin en chocolat, promesse d'une indulgence pascaline... Fermez les yeux : imaginez le crissement délicat de son emballage, l'arôme riche et lacté qui s'échappe, la texture lisse fondant sur votre langue. Cette image, familière pour beaucoup grâce à l'emblématique création de Lindt & Sprüngli, s'est pourtant retrouvée au cœur d'une bataille juridique inattendue. Le géant suisse, gardien jaloux de son lapin doré orné de son ruban rouge distinctif, a croisé le fer avec le discounter allemand Lidl, dont la proposition chocolatée présentait une ressemblance troublante. Au-delà d'une simple affaire de gourmandise, ce duel au sommet révèle les enjeux cruciaux de la protection des marques, de la concurrence et de la subtile ligne qui sépare l'inspiration de l'imitation. Préparez-vous à décortiquer un litige où chaque détail chocolaté compte et où la saveur du succès se mêle à l'amertume de la contrefaçon.

Quels étaient les faits de cette affaire ?
Lindt, dont le lapin en chocolat doré orné d'un ruban rouge et d'une clochette est une figure emblématique des fêtes de Pâques depuis des décennies, a estimé que les lapins proposés par Lidl présentaient une similarité excessive avec leur produit phare. Le chocolatier suisse a argué que cette ressemblance, tant au niveau de la forme que de la couleur de l'emballage, créait un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs et portait atteinte à ses marques déposées.
Quelle décision ont rendu les juges helvètes ?
L'affaire a été portée devant les tribunaux suisses. Dans un premier temps, en 2021, le tribunal de commerce du canton d'Argovie a rejeté la plainte de Lindt. Cependant, Lindt n'a pas baissé les bras et a interjeté appel de cette décision.
Finalement, en septembre 2022, le Tribunal fédéral suisse, la plus haute instance judiciaire du pays, a donné raison à Lindt. Les juges ont estimé que les lapins de Lidl créaient une impression d'ensemble similaire à ceux de Lindt et qu'il existait un risque de confusion pour le public. En conséquence, le Tribunal fédéral a ordonné à Lidl de cesser la vente de ses lapins en chocolat incriminés et de détruire les stocks restants.
Le Tribunal fédéral a notamment pris en compte un sondage commandé par Lindt qui suggérait qu'une partie significative du public associait la forme du lapin en chocolat enveloppé d'une feuille dorée à la marque Lindt. Contrairement à la décision du tribunal de commerce, le Tribunal fédéral a reconnu la validité probante de ce type de sondage lorsqu'il est réalisé selon des méthodes scientifiques appropriées.
Quelles sont les implications de cette décision ?
Cette décision de justice est significative à plusieurs égards :
1/Protection des marques tridimensionnelles : Elle réaffirme la possibilité de protéger des formes de produits en tant que marques, à condition qu'elles aient acquis une notoriété suffisante auprès du public. Le lapin doré de Lindt est ainsi reconnu comme une marque distinctive.
2/Risque de confusion : La décision souligne l'importance d'évaluer le risque de confusion du point de vue du consommateur moyen, en tenant compte de l'impression d'ensemble des produits.
3/Preuve par sondage : Elle valide l'utilisation de sondages d'opinion comme preuve dans les affaires de contrefaçon, sous réserve de leur rigueur méthodologique.
4/Concurrence loyale : L'affaire met en lumière les limites de la concurrence et la nécessité pour les entreprises de ne pas imiter de manière excessive les produits de leurs concurrents au point de créer la confusion chez les consommateurs.
Conclusion :
L'affaire du lapin en or entre Lindt et Lidl est un exemple éloquent des enjeux liés à la protection de la propriété intellectuelle dans le secteur agroalimentaire. La victoire de Lindt en Suisse a marqué une étape importante dans la reconnaissance de la valeur distinctive de son produit emblématique et a rappelé aux distributeurs la nécessité de proposer des produits qui ne créent pas de confusion avec les marques établies. Les développements en France montrent que ce "contentieux chocolaté" continue de faire parler de lui et souligne la complexité des litiges transfrontaliers en matière de marques.
Source : Décision du Tribunal fédéral suisse - Septembre 2022
Line JOAS.