Professions médicales et gratification par testament : Une situation incurable ?

10/10/2020

Reconnaissant des soins qui vous été prodigués lors de votre maladie, vous avez pris la décision de récompenser le professionnel de santé resté à votre chevet pour surmonter cette épreuve ... Vous vous interrogez sur le possibilité de rédiger un testament en sa faveur ? La Cour de cassation dans une décision du 16 septembre 2020 apporte un éclairage intéressant sur ce point.


Dans cette affaire, les faits étaient les suivants : Une femme est décédée d'un cancer en laissant pour lui succéder son frère. La défunte a rédigé un testament dans lequel elle a pris soin de léguer divers biens mobiliers et immobiliers à l'infirmière qui s'était occupée d'elle.

Le frère de la de cujus s'oppose à la délivrance du legs en invoquant l'incapacité de recevoir de l'infirmière.

Les juges du second degré rejettent la demande du frère héritier. En effet, dans sa décision, la Cour d'appel retient « qu'après avoir passé un scanner (...) puis une IRM les 2 et 4 octobre 2012,[la défunte] a rédigé le testament le 5 octobre 2012, avant un examen (...) effectué le 8 octobre (...) qui a permis de poser le diagnostic(...), lequel ne pouvait être suspecté à partir des symptômes apparus courant septembre et octobre 2012 ». Par ailleurs, les magistrats ont également précisé que « si [l'infirmière] a prodigué des soins (...) au cours de cette période, le testament litigieux a été rédigé avant le diagnostic de la maladie dont cette dernière est décédée ». Ils finissent par ajouter que « la libéralité trouve sa cause dans les liens affectifs anciens et libres de toute emprise, entretenus par la testatrice avec celle qui lui apportait son soutien et sa présence après le décès de son époux ».

Le frère a alors exercé un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt du 16 septembre 2020, la Haute juridiction donne gain de cause à l'héritier légal. En effet, selon l'article 909 du Code civil, les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux, ayant prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent recevoir de biens (soit par donation, soit par succession) de leur part pendant le cours de celle-ci... et ce, quelle que soit la date à laquelle le diagnostic est fait. Les magistrats du quai de l'horloge concluent que « la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé ».

Cette incapacité de recevoir, trouve sa justification dans le fait qu'une personne affaiblie par son état de santé et se sachant condamnée effectue une libéralité à laquelle elle n'aurait pas consenti si elle n'avait pas été malade.

Bien qu'elle soit motivée, la décision rendue peut susciter certaines interrogations quant aux maladies évolutives souvent diagnostiquées tardivement.

Line Joas.

Source : Cass. 1ère civ. 16 septembre 2020, n° 19-15.818

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042372071?tab_selection=all&searchField=ALL&query=19-15818&page=1&init=true

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