Séparation de biens : Peut-on échapper à l’obligation de contribuer aux charges du mariage ?
Vous vous êtes marié sous le régime de la séparation de biens et vous vous interrogez sur la répartition des dépenses de la vie courante avec votre conjoint ? Dans un arrêt de principe du 13 mai 2020, la Cour de cassation apporte des réponses à cette question.
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En quoi consiste l'obligation aux charges du mariage ?
Les époux doivent, au titre de leurs droits et devoirs respectifs, contribuer aux charges du mariage. Il s'agit de l'ensemble des dépenses de la vie courante qu'implique la vie en commun, en d'autres termes, les frais liés au logement, à la nourriture, à l'habillement, à la santé, à l'éducation des enfants ...
Conformément aux dispositions de l'article 214 du Code civil, si les conventions matrimoniales ne règlent pas cette contribution, les époux y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être judiciairement contraint par l'autre si une saisine du juge aux affaires familiales (JAF) est effectuée.
Mais qu'en pensent les juges ?
Dans sa décision du 13 mai 2020, pourvoi n° 19-11.444, la Cour de cassation considère dans un arrêt de principe que « que les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d'ordre public de contribuer aux charges du mariage ».
Dans cette affaire, les faits étaient les suivants : Un couple s'est marié sous le régime de la séparation de biens en 1978. La romance a touné au vinaigre et les époux ont commencé à vivre séparément à compter de 2013. Par acte du 28 juin 2016, l'épouse a assigné son mari en contribution aux charges du mariage. En parallèle, celui-ci a engagé une procédure de divorce.
Dans un jugement du 5 mai 2017 l'époux a été condamner à verser à sa femme la somme de 3000 euros par mois au titre de la contribution aux charges du mariage du 1er janvier 2016 jusqu'au 10 mars 2017, date de l'ordonnance de non-conciliation.
Mécontent de cette décision, l'époux a interjeté appel, Les juges du second dégré ont déclaré irrecevable la demande de l'ex-femme en se fondant sur la clause de présomption d'acquittement quotidien des charges du mariage rédigée dans le contrat de mariage du couple. La Cour d'appel, en a déduit que la clause prévue avait la portée d'une fin de non-recevoir, justifiant l'irrecevabilité de l'action en contribution aux charges du mariage formée par l'épouse.
L'ex-femme s'est donc pourvu en cassation avec l'argumentaire suivant : la clause de présomption de contribution aux charges du mariage ne peut constituer une fin de non-recevoir, car elle n'institue qu'une présomption. Elle ne serait ainsi qu'une convention sur la preuve et pas une convention de renonciation à un recours.
La Cour de cassation abonde dans le sens de l'épouse. En effet, selon les magistrats du quai de l'horloge, il résulte de l'application combinée des articles 214, 226 et 1388 du Code civil que « les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d'ordre public de contribuer aux charges du mariage ».
Dès lors, en présence d'un contrat de séparation de biens, la clause aux termes de laquelle « chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature », ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l'un d'eux d'agir en justice pour contraindre l'autre à remplir, pour l'avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage car ce devoir relève du régime primaire impératif s'appliquant à tous les couples mariés, y compris ceux relevant de la séparation de biens.
Line JOAS.
Source : Cass. 1ère civ. 13 mai 2020, n° 19-11.444, Publié au bulletin
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000041914551&fastReqId=737584230&fastPos=1