Violences conjugales et héritage : Liaisons interdites ?
Vous évoluez dans un climat familial violent et vous vous interrogez sur la possibilité de déshériter votre bourreau ? La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a créé une nouvelle cause d'indignité successorale.
Les analyses et commentaires de ce blog constituent des réflexions personnelles et n'engagent pas l'Etude Cheuvreux.
Qu'est-ce que l'indignité successorale ?
L'héritier qui a commis des fautes particulièrement graves à l'égard du défunt est sanctionné par la perte de ses droits successoraux à l'égard de ce dernier.
Traditionnellement, on distingue deux formes d'indignité successorale : l'indignité automatique (article 726 du Code civil ) et l'indignité facultative (article 727 du Code civil).
En cas de condamnation à une peine criminelle, l'indignité est automatique, en effet, le prononcé d'une telle sanction pénale entraîne nécessairement une indignité successorale. A contrario, la condamnation à une peine correctionnelle suppose, le prononcé d'une première décision pénale et d'une seconde instance civile dans laquelle le juge pourra prononcer ou pas l'indignité successorale.
A noter, que les descendants de l'héritier indigne ne sont pas exclus de la succession du défunt : ils peuvent venir à la succession du défunt non seulement de leur propre chef, mais également par représentation de l'indigne.
Que prévoit la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ?
Avant la nouvelle loi, les violences n'étant pas à l'origine du décès étaient largement exclues du domaine d'application des articles 726 et 727 du Code civil. C'est pourquoi, l'article 8 de loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a créé une nouvelle cause d'indignité, sanctionnant par la privation des droits successoraux les atteintes graves commises dans le cadre familial, même si ces infractions n'ont pas été à l'origine du décès du défunt.
L'article 727 du Code civil a donc été complété en les termes suivants :
« Peuvent être déclarés indignes de succéder [...]
2° bis Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt ; ».
Précision utile, l'indignité pour violences conjugales est dans tous les cas facultative. Comme précédemment évoqué, deux décisions (une sanction pénale et une sanction civile) seront à cet égard requises pour que l'indignité soit prononcée par le juge.
Les dévolutions conventionnelles sont-elles les grandes oubliées de la loi du 30 juillet 2020 ?
Dans une décision ancienne rendue par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 avril 1998, pourvoi n° 96-14.508, il a été jugé que l'avantage matrimonial a, en principe, un caractère onéreux et que par voie de conséquences, il n'était pas révocable pour cause d'ingratitude ni d'indignité.
Par ailleurs, les donations entre époux ou encore les legs consentis avant la condamnation pénale ne sont pas concernés par la nouvelle loi. En effet, la rédaction des articles 1046 et 955 du Code civil reste inchangée et demeure applicable, à condition que la victime n'ait pas elle-même révoqué la libéralité.
Enfin, s'agissant des contrats d'assurance-vie, l'article L. 132-24 du Code des assurances énonce que « le contrat d'assurance cesse d'avoir effet à l'égard du bénéficiaire qui a été condamné pour avoir donné volontairement la mort à l'assuré ou au contractant ».
Le législateur a également pris soin de préciser que « si le bénéficiaire a tenté de donner la mort à l'assuré, le contractant a le droit de révoquer l'attribution du bénéfice de l'assurance, même si le bénéficiaire avait déjà accepté la stipulation faite à son profit ».
Bien que la loi du 30 juillet 2020 ait élargi le domaine de l'indignité successorale, les dévolutions conventionnelles se sont pas concernées par les nouvelles dispositions légales.
Pardonner un héritier frappé d'indignité est-il possible ?
L'article 728 du Code civil permet de rétablir les droits successoraux de l'indigne. En effet, ce texte prévoit :
« N'est pas exclu de la succession le successible frappé d'une cause d'indignité prévue aux articles 726 et 727, lorsque le défunt, postérieurement aux faits et à la connaissance qu'il en a eue, a précisé, par une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire, qu'il entend le maintenir dans ses droits héréditaires ou lui a fait une libéralité universelle ou à titre universel ».
Par testament, la victime peut ainsi soit rétablir la dévolution légale, soit consentir un legs universel ou à titre universel.
Line Joas.